Il y a en moi un animal errant, un je ne sais quoi d’étrange et de préoccupant. Un animal semblable à un caméléon mais qui sait faire sentir sa présence et ses humeurs changeantes. Ses modifications de peau sont inscrites dans son sang et transpirent en mon sang. Elles s’imprègnent et se dissipent, s’infiltrent et se propagent. Elles s’arrangent en atmosphère ou en spiritueux pour me griser d’une manière hasardeuse. Les limites de la mélancolie deviennent floues et miscibles, implacablement liquides et évanescentes. Ce fluide semble receler une force en lui, celle de cet animal. Il vit, s’agite, se développe et doit sans doute se reproduire ou simplement grandir. Un jour peut-être sera-t-il aussi grand que moi et viendra-t-il épouser mon être intégralement, sans plus laisser aucune marge entre lui et moi, sans laisser aucun risque de flottement.
Peut-être est-il un mangeur de doute, un rapace au bec acéré et aux crocs aiguisés qui saura déchiqueter ce rongeur impénitent et impitoyable qui perturbe inlassablement mes nuits et transforme la route du sommeil en un chemin labyrinthique et bordé de ronces auxquelles je m’accroche malgré moi en me déchirant la peau. Le sang jaillit alors de la plaie et coule imperturbable sur mes pas achevés, les effaçant et barrant ainsi tout espoir de retour arrière.
Peut-être cet animal est-il l’ange de la radicalité, ce grand gardien des principes qui existent en moi.