Les nuages passent, se déplacent, se placent puis trépassent, emportés par un vent calme et frais. Le bleu dispose, le rose s’impose, les braises se posent, et le rougeoiement expose la vigueur d’un soleil qui se repose derrière la ligne d’horizon, comme chaque soir. Les ombres s’allongent, le silence se prolonge, et les navires longent la digue du port qui va les accueillir le temps d’une nuit. Ils repartiront le lendemain, apaisés, reposés et déjà enivrés du goût des grands espaces fluides et porteurs, déchaînés ou tranquilles, toujours imposant leur volonté et leur force. La mer est ainsi : rebelle et indépendante, charmant les esprits libres et les cœurs avides de sensations fortes et d’épreuves de caractère. Elle peut se présenter comme le lieu d’évolutions paisibles et douces, illuminé par un soleil qui tournoie puis se noie au loin, laissant la place à son amante fidèle et reflet de sa puissance, ou alors comme le champ d’une terreur sans pareille, faisant jaillir l’écume entre deux immenses ravins liquides dans lesquels tout navire se sent balancé et malmené.
Le crépuscule est de ces instants magiques qui feutrent l’atmosphère, quel que soit son état ; il embaume les journées bleutées aux nuages inexistants ou duveteux, ou nuance une journée où les éléments semblent s’acharner sur le monde des hommes. Il est cette virgule, ce souffle suspendu qui permet de respirer au cœur d’une phrase, de se rééquilibrer un court instant pour mieux glisser sur la suite, mieux la sentir et mieux l’éprouver, en percer l’enveloppe et s’abreuver de son essence.
Bien souvent, il redonne un nouveau souffle, une nouvelle fraîcheur aux vivants : le cerf peut alors contempler la plaine avec plus d’assurance et de majesté, ses bois se projetant et animant de longues ombres qui dansent sur l’herbe fine et frêle ; le chêne, ce roi des arbres, réaffirme son hégémonie, sa stature imposante et son ampleur dominante. Il a l’attitude d’un aigle qui déploie juste ses ailes, prêt à l’envol et au survol de la plaine.
Les ombres passent et s’introduisent dans une impasse. Le perron se découvre, et la porte s’entrouvre. La chaleur s’impose et le calme s’oppose aux tumultes d’une cité qui indispose et réduit le temps à une substance qui fuit. Parfois la nuit tombe la pluie qui dévale puis s’enfuit à travers ces conduits qui longent les parois de ces murs sans émois.
Elle glisse sur les toits de cette ville qui s’ennuie, parfois perle tantôt déferle, mais rarement ne nuit, rappelant souvent des souvenirs enfouis.