L’aube hivernale libère une infinie langueur. La luminosité s’affirme dans une lenteur voluptueuse : tous les éléments d’un monde terrestre se disposent peu à peu afin d’atteindre une organisation rituelle.
L’aube est enneigée et cette lenteur s’accentue davantage. Cette neige tombe à gros flocons depuis une partie de la nuit. Hier, le sol était seulement humide et froid, le ciel éclaté, parsemé de miettes de plus en plus volumineuses de nuages, prémices d’un état plus stable, mais encore indéterminé, de l’atmosphère. Tôt ce matin, la noirceur limpide de l’air faisait ressortir davantage cette blancheur pure de la neige fraîchement posée, non encore foulée par des passants pressés et insensibles.
Les paupières sont enneigées, altérées par une fatigue omniprésente, omnipressante. Cette grisante sensation fait de la pluie et de la neige une fontaine de jouvence de l’âme au milieu du monde.
Les yeux sont enneigés, gris et verts, clairs et mêlés comme l’aube, symbole quotidien de ce qu’est la puissance du commencement. Les pupilles s’imbibent de cette beauté exemplaire, jamais renouvelée, sans cesse différente. Ce Panorama immanquable réduit à néant toutes les paroles des prédicateurs de l’ennui.
L’iris : comme découpé sur l’aube enneigée.
Les toits dévoilent peu à peu leur blancheur : plus de rouges tuiles, plus de zinc ni de métal rouillé. Les arbres semblent avoir pris un coup de vieux avec leurs barbes blanches, vieillesse de celles qui confèrent une stature digne à celui qui la porte. Les flocons révèlent leurs formes et leurs courses soumises au hasard du vent. Un Éole qui languit, s’allonge en rabattant la couverture dans un geste plein et parfaitement dominé : il s’apaise en suspendant le ciel des hommes dont la teinte et l’atmosphère restera gravée dans la mémoire de ceux qui savent vivre.