Dans un frétillement léger, la guêpe vint se poser sur le lustre qui m’éclaire. Elle commença par s’essuyer le dard avec ses pattes arrières puis, doucement, gravit le socle suspendu, sans doute pour puiser une chaleur plus intense.
Il fallait reconnaître qu’au dehors l’atmosphère était assez rigoureuse et peu clémente pour de tels insectes. Une fois la chaleur ressentie, elle commença une toilette en règle, de sa tête menue jusqu’au terme de son dard proéminent.
Tout d’abord aux aguets eu égard à ma connaissance de l'agressivité des guêpes, je m’apaisa car je la sens pacifique. Nous faisions désormais bon ménage, éclairés par la même lumière ; elle cependant plus proche de la source que moi.
Alors que ma plume se promenait sur un papier auquel elle pouvait s’agripper, elle déambulait sur ce socle lisse et glissant pour ses petites pattes.
Dès qu'elle se trouvait sur une paroi verticale, suspendue au dessus du vide, elle semble plus alerte, plus tendue dans son ouvrage.
De temps à autre ses ailes s’agitaient, comme pour contrebalancer l’effet de la pesanteur qui semblait la troubler.
Des gouttes s’échappaient de son dard et perlaient sur la table. Peut-être du venin dont elle estimait désormais ne plus avoir l’usage.
Une fois sa minutieuse toilette achevée, elle se mit à déambuler sur une partie plus sûre du luminaire ; et s’apaisa elle aussi, goûtant comme un chat à l’orée d’une cheminée la chaleur du foyer.
Sa tranquillité me pénétra ; nous étions les compagnons inattendus d’un soir où la solitude était douce et le silence d’airain…
***
Le lendemain soir je retrouvai ma guêpe. Elle était accrochée aux parois d’un meuble et ne bougeait pas. D’un geste brusque elle s’envola pour à nouveau occuper le lustre. Elle semblait plus agitée que la veille et désormais malade : ses mouvements étaient totalement désordonnés et hasardeux et, comme prise de démence, elle voulait s’agripper à l’ampoule qui lui brûlait les pattes à chaque tentative.
Elle semblait beaucoup plus frêle que la veille, et ne trouvait même plus la force de s’accrocher aux parois du luminaire devenues soudainement extrêmement glissantes.
Comme projetée par une force invisible, elle se retrouva sur le mur qui me faisait front, les élytres prises dans un résidu de toile d’araignée. Dans cet enchevêtrement, elle essuyait sa petite tête aussi minutieusement que la veille, avec les mêmes gestes qui inspirent la candeur, semblables à ceux d’un écureuil dégustant une noisette coincée dans ses pattes. Dans son immobilité, je pouvais l’observer plus précisément : sa taille était assez imposante pour une simple guêpe et tout son corps était velu ; son être tout entier exhalait cependant la vieillesse et la fragilité.
D’un coup brusque elle tomba à terre, sur les élytres, et mit quelques temps à se remettre sur ses assises.
Sa souffrance m’attristait et je décidai de lui rendre service en l’abrégeant.
Adieu compagne du soir.