L’aurore a pleuré ce matin, un peu comme chaque matin. Cette femme aux voiles si charmeurs, si sensuels ; aux formes changeantes et mouvantes, différentes chaque matin. Cette femme qui annonce un astre, un Dieu pour certains : le Soleil.
L’aurore pleure chaque matin et abreuve la Terre de ses larmes si bénéfiques, si fraîches. Des larmes qui s’assèchent le plus souvent, ou qui sont suivies d’autres, versées par d’autres : les masses nuageuses qui défilent devant cet hégémonique : le Soleil.
L’aurore pleure devant ce spectacle prestigieux et pourtant habituel : le lever du Soleil.
Pleurs de joie : retrouvailles de la Nature et de son amant privilégié : le Soleil. Idylle entre deux substances qui se contemplent et se complètent dans la roue du temps. Idylle nécessaire entre deux êtres qui ont besoin l’un de l’autre : la Nature mourrait sans le Soleil et le Soleil périrait de chagrin sans cet autre qu’il a à nourrir de sa lumière.
Pleurs de tristesse : éloignement de la Lune et de la Nature, son amant tranquille qui sommeille sous son égide. Lune apaisante, sécurisante. Femme qui veille l’amant qui dort, récupère des forces avant de continuer son ouvrage. Amour platonique sans passion démontée, avec toute langueur et plénitude. Lien fraternel de deux êtres qui se ressemblent et se comprennent : deux reflets d’une même puissance : le Soleil.
L’aurore qui pleure et se dénude… alors que le crépuscule reste de feu et se pare des plus beaux effets. Le crépuscule : servant docile et stylisé. Crépuscule qui attire, intrigue et brûle. Homme de feu et de mauvais augure : fin de la clarté et passage vers les ténèbres. Clarté entraînée par ce majordome implacable, qui sait néanmoins la traiter avec délicatesse dans une sorte de rite initiatique : au sacrifice ou à la protection. Sacrifice : sur l’autel des ténèbres; protection : contre les puissances du mal.
Le crépuscule : cet homme qui possède la légèreté de l’aigle et la puissance du loup. Homme qui sait attendre et donner le coup de patte ultime pour pousser le Soleil à se déchirer derrière l’horizon, contre un nuage aux dents acérées.
Cet homme de feu et cette femme pleine de tendresse : artisans unis sur la roue du temps ; symboles du commencement et de la fin, ces états limites d’autres plus longs ; ces étapes charnières toujours placées au point milieu entre les deux zéniths : ceux du Soleil et de la Lune.
Cet homme et cette femme qui se comprennent et s’aiment sans s’être jamais connus. Cet homme et cette femme qui oeuvrent pour des puissances et qui intimement savent que l’autre existe et qui par là trouvent la force de continuer.
Cet homme et cette femme qui passent par delà le bien et le mal, nient ou tout simplement n’ont jamais connu les rapports de force qui existent entre hommes et femmes - rapports de soumission, d’inégalité, de stupide tradition.
Cet homme et cette femme qui regrettent sûrement que, sur Terre, les humains ayant la possibilité de s’aimer passent leur temps à se déchirer en instaurant des rapports compliqués et destructeurs.
Aimer sans fioritures, en épurant sans dénaturer, avec esthétisme, sans jeu mortifère. Pouvoir s’aimer en toute simplicité, par delà le machisme et le féminisme, avec une notion pure d’égalité, voilà sûrement ce que recherchent ces amants superbes qui se ressemblent et se connaissent sans s’être jamais vus…