J’ai cessé d’errer le jour où je l’ai rencontrée. Au détour d’un regard, je l’ai aperçue et nous nous sommes reconnus, amateurs des mêmes sensations, ressentant la même pulsion douce et frénétique l’un pour l’autre. Tout autour de nous bougeait à grande vitesse : le flot des passants indifférents, le vacarme informe des conversations superficielles. Pour nous, la Terre s’était arrêtée et de nouveaux mondes gravitaient autour des soleils de nos pupilles qui étincelaient déjà, provoquant une révolution qui réordonnerait nos systèmes affectifs respectifs.
J’ai commencé de pleurer le jour où je l’ai embrassée. Tant de larmes retenues en moi s’écoulaient librement, la chaleur de ses bras ayant fait fondre les écluses de mon cœur, que je croyais rouillées. Tout mon être s’épanchait grâce à elle, enfin. Ces larmes irriguaient mes joues et permettaient de faire germer ce sourire que je n’espérais même plus voir se dessiner sur mon visage.
J’ai commencé d’aimer le jour où nous nous sommes aimés, satisfaisant pleinement nos pulsions avec force et tendresse, violence et douceur. Au chant matinal de ces oiseaux je m’étais réveillé, la sentant contre moi toute endormie. Mon cœur était un hautbois qui voulait la bercer ; mon âme était un garde qui voulait la préserver, lui laisser sa liberté et la protéger ; un garde dont la vigilance était extrême envers notre pureté.
J’ai cessé d’exister le jour où nous avons cassé, ne sachant plus ni que faire ni que penser. Les écluses se sont refermées et la rouille les a entamées, gardant à jamais ces larmes que je ne peux plus verser. Mon cœur fut ébranlé, puis s’est brisé, devenant le repaire de serpents déchaînés, arrachant furieusement des lambeaux entamés, crachant leur venin dans mes organes pour les gâter.
Depuis ce jour je n’ai cessé d’errer, titubant, chancelant, m’écroulant à chaque pas car toute force m’est ôtée.
Je ne sais oublier et ne peux oublier cet amour dont je regarde chaque jour la dépouille désagrégée, mais toujours aussi belle. Pour elle j’ai choisi le plus fin linceul, le plus blanc et le plus éclatant, cherchant incessamment à retrouver la pureté de notre amour décimé.