Le soleil entamait son lent déclin sur l’horizon. L’atmosphère était calme et un vent doux venait caresser mon corps. Elle était à mes côtés, élue de mon cœur. Je m’accrochais à elle comme à la vie même. Elle représentait même pour moi la vie. Mon amour était fort mais parfois chaotique, me plongeant de temps à autre dans d’âpres marasmes.
Cet été, j’avais pris deux semaines de vacances loin de la capitale et avais décidé de les passer avec elle, à m’allonger sur une plage, à ne rien faire si ce n’est tenter de répondre à la suffocation par la respiration.
Se retrouver, libérer l’expression et les émotions, tels étaient les buts de cette fuite avec elle.
Je l’avais connue là-bas ; elle m’était en quelque sorte apparue comme par enchantement, au cœur d’une période plutôt critique de mon existence, où j’essayais de trouver un moyen d’épancher enfin mon cœur, où le vase qui contenait mes sentiments menaçait d’exploser sous la pression du vide affectif de la vie contemporaine. Quand je l’ai rencontrée, je finissais par douter de la possibilité même d’aimer, ou plus exactement de trouver celle qui serait encore susceptible de comprendre ce qu’est l’amour.
Je vivais vraiment avec elle depuis un mois environ et je goûtais une certaine plénitude que ceux qui me fréquentent ne peuvent même comprendre. D’ailleurs, ils n’essayent plus : ils se contentent d’acquiescer poliment, de peur de me froisser ; mais je sens qu’au fond ils prennent pitié et ont eux aussi une attitude de recul, voire de fuite à mon égard.
Signe des temps, le sentiment se canalise et la spontanéité se cache. Ces deux animaux sont traqués et doivent à tout prix se terrer.
Mais je l’ai finalement trouvée ! Cet amour platonique m’apporte tant que je ne veux même plus écouter les persifleurs qui le gâtent, et demeure fidèle à ma compagne de tous les instants.
Satisfait de ma résolution, je me tournai vers elle pour l’embrasser, et recracha aussitôt une bouchée de sable avec dégoût sous les rires des gens alentours.
Elle s’appelait chimère et était née du sang de ma souffrance.